Heart of Everything || Yria ||

Un grain de sable se posant sur son cou. Une brise poussiéreuse venant doucement caresser son visage. Il avait un bandeau couvrant, prudemment, son nez et sa bouche, empêchant ainsi le sable d’entrer dans les orifices. Empêchant ainsi au sable de s’installer dans ses bronches, de les encombrer, pour au final le faire mourir doucement. Beaucoup de personne atterrissant dans cet endroit auraient rapidement finit par devenir fou à tourner en rond dans cette grande étendue sableuse, pour finalement se laisser doucement mourir, mais lui non. Lui, il avait l’habitude. Je ne vais pas jusqu’à dire qu’il est né dans cet endroit : loin de là. Seulement, cela fait maintenant 16 ans qu’il y vit et il sait parfaitement les habitudes qu’il faut avoir. Il marchait tranquillement, sans se presser, sachant parfaitement où poser les pieds ou non. Le bruit du sable frottant sur ses chaussures en cuir le faisait sourire : oui, il était à sa place dans cet endroit. L’homme qui l’avait élevé avait bien choisit. Il l’avait bien éduqué et lui avait permit de s’habituer à un tel climat ainsi qu’un tel endroit. Oh bien sûr, il aurait pu choisir un autre mode de vie : mais celui-ci lui convenait parfaitement.

En effet, tuer des gens n’était peut-être pas le mode de vie que tout le monde pouvait souhaiter avoir, mais c’était le sien. Il croyait au Destin : et celui-ci, le sien, avait été choisi comme tel. Etre assassin était son destin et rien ni personne ne pourrait changer cela. Beaucoup le connaissait, ou sans doute connaissait des rumeurs, et il était fier de cela. Il ne s’en vantait pas pour autant mais il était fier. Il avait une renommée, il avait fait de sa vie une vie remplie d’argent ainsi que de gens le respectant : ou plutôt ayant peur de lui. Oui, la peur était sans doute le mot utilisé pour pouvoir décrire ce que ressentait les gens pour lui. Et il s’en moquait. Qu’on ait peur ou non de lui, c’était la même chose. Il savait comment se défendre, il savait comment faire pour pouvoir se dépatouiller d’un problème, il savait parfaitement comment repousser des ennemis. Oui, cette vie était vraiment pour lui. Mais il fallait faire attention aux mots utilisés pour le décrire. Car ce n’est pas un meurtrier mais un assassin. Il y a une différence entre les deux catégories et pas des moindres : en effet, un meurtrier tue pour le plaisir, il tue au hasard ses victimes alors qu’un assassin choisit ses cibles, ou plutôt on le fait pour lui, et il tue pour de l’argent. Ainsi, la différence est assez considérable, en effet.

Le jeune homme brun marchait toujours aussi tranquillement dans cette étendue sableuse, puis il releva son regard. Stimbelad était devant lui. La guilde était devant ses yeux et un sourire apparut alors sur son visage, sous son bandeau. Ezekiel continua de marcher, avec enfin un but en tête : rejoindre la tourelle. Il tritura légèrement le manche de son poignard qui était caché sous sa tunique, au niveau de son aine, tandis qu’il entrait sur la place séparant le désert de la guilde. Son regard divagua autour de lui, pouvant apercevoir quelques silhouettes, mais sachant parfaitement ce qui l’attendait. Des brigands viendraient sans doute rapidement l’accoster pour pouvoir lui voler des objets précieux : il le savait parfaitement. C’était toujours la même chose, et il finissait par savoir comment fonctionnaient ces personnes. Elles étaient bêtes et méchantes : voilà le mot qui leur allait parfaitement. Elles n’avaient aucunes stratégies, aucunes tactiques et pourtant elles arrivaient tout de même à voler ou tuer des gens. C’était une honte pour les assassins. Mais au final, personne ne vint l’accoster et heureusement … Pour eux. Ezekiel continua sa route pour finalement pousser la porte de la guilde et entrer dans celle-ci. Là, il enleva son bandeau et alla doucement s’asseoir quelque part. Et il se mit à essuyer son poignard, prendre soin de celui-ci : son poignard était comme son âme sœur, sa moitié.

Son poignard à la main, il ne faisait plus attention à rien. Ce poignard était vraiment la seule chose qui comptait réellement pour lui. Vous savez … Beaucoup de personne possède quelque chose comptant réellement pour eux : un tableau, une chaîne, un pendentif, un bijou quelconque … Lui c’était son poignard. C’était sans doute débile et superficiel, mais que voulez-vous, on y peut rien. Il n’y pouvait rien. Ce poignard lui avait été donné par son sauveur : quand il avait découvert qu’il pouvait très bien se débrouiller tout seul : c’est-à-dire à l’âge de 15 ans. Il lui avait enlevé son canif des mains, sous les protestations du jeune homme il fallait l’avouer, pour ensuite lui offrir ce poignard en acier. Oh bien sûr, le premier jour Ezekiel avait eu du mal à l’accepter. Des disputes ont été fréquentes, des claquements de portes et un adolescent s’en allant aussi, mais au final il avait finit par accepter ce présent de la part de l’homme qui l’avait sauvé. Il lui devait bien cela dans le fond : un homme qui vous sauve, alors que vous dormiez sur de la mousse durant plusieurs jours, et qui vous offre un cadeau venant d’une génération plus ancienne de sa famille, c’était respectable. C’était une fierté. Et dorénavant, il comptait bien s’occuper de cette arme plus que sa propre vie. De une pour lui-même, car il était particulièrement fier de la posséder et deux car il trouvait que c’était un minimum. Après la mort de cet homme, il avait eut comme impression que l’âme de celui-ci c’était transmis dans cette lame … C’était peut-être ridicule, mais que voulez-vous : il nous faut bien des croyances pour survivre. Et la sienne était celle-ci. C’est pourquoi il s’occupait à ce point-là de cette arme blanche.

Cela faisait maintenant plusieurs minutes qu’il était dans la guilde. Il voyait des personnes passer : que ce soient des hommes ou des femmes, ils ont tous un point commun ; leur métier. Ils étaient tous des assassins. Mais il y avait une différence : certains l’étaient car leur famille l’avait été et d’autres car ils ont eut un tel passé qu’un assassin les a recueilli. Bizarrement, ceux-là étaient les plus fréquents. Et bizarrement, les humains étaient plus fréquents dans cette guilde que les métamorphes. D’ailleurs, en parlant de ceux-là, ils sont tout autant redoutés et détestés dans cette guilde, qu’ailleurs. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi et dans le fond ne le cherchait pas vraiment. Il s’en moquait éperdument : que certains soient rejetés ou non par leur génération, c’était leur problèmes. Si Ezekiel commençait déjà à s’occuper des problèmes des autres, il ne s’en sortirait jamais. En effet, il avait bien d’autres problèmes, surtout personnels, pour se permettre d’aller s’occuper des affaires des autres. Oh bien sûr, il fallait bien l’avouer, il trouvait cela complètement débile et puéril de rejeter des gens ainsi, sans savoir leur vie ni comment ils vivent. Sans vouloir les connaître. Mais bon, tant pis. Y’a bien d’autres personnes qui vivent leur vie beaucoup plus mal. Donc bon, chacun ses problèmes, voilà sa devise actuellement. Une jeune femme brune vint alors s’adosser à un mur près de lui et il l’observa. Cheveux longs, pâle, fine … Hm, une jeune femme de la guilde avait déjà été décrite comme ça. Il avait entendu un assassin en parler. « Elle est brune, fine, mais bon dieu, elle tue parfaitement ses victimes. Parait-il qu’elle utiliserait des pétales noirs pour signer ses crimes. Elle s’appelle Yria, je crois. » Voilà, ce qu’il avait entendu parfaitement. Alors Yria ressemblait à cela ? Mignonne.

Il détestait parler aux gens pour ne rien dire, mais là il avait besoin de savoir. La compétition ? Il adorait cela. Alors, il avait besoin de savoir si cette Yria existait réellement. Car une rumeur circule actuellement dans la guilde, il en était au courant, il en était même le point central : « Ezekiel et Yria sont parait-il les plus forts et les plus propres de leur génération. » Une bonne rumeur, certes, mais assez marrante à entendre. Son regard bleuté était maintenant fixé sur la jeune fille, attendant la réponse.

Cette jeune femme était sublime, voilà ce que pouvaient sans doute se dire la plupart des hommes qui la rencontraient. Oh bien sûr, beaucoup de monde avait des dons pour être beau, pour être aux attraits de quelqu’un, mais peu pouvaient se vanter d’être aussi jolie que cette demoiselle. Vu son âge, Ezekiel pouvait se vanter d’avoir succomber aux charmes de beaucoup de demoiselles, il pouvait se vanter d’avoir pu distinguer la vraie beauté de la fausse, mais celle-ci était différente. Elle comportait des traits que peu de femmes pouvaient avoir : ses yeux, tout d’abord. D’un vert émeraude, ils attiraient le regard comme un hameçon attire un poisson ou comme un insecte attire un lézard. Il se doutait parfaitement qu’elle devait en jouer, toutes les femmes jouaient de leurs attraits. Il se méfiait de tout le monde, surtout des femmes. Car elles sont vicieuses et beaucoup plus intelligentes qu’elles ne le laissent prétendre. Beaucoup de femmes jouent avec les hommes, elles les attirent, elles leur chuchotent des mots qu’ils ont toujours rêvé d’entendre, elles se comportent comme leur mère pour ceux qui se sentent perdus et au final, ces derniers se retrouvent dans leur toile sans qu’ils ne puissent y faire quelque chose. La féminité permet bien des choses. Mais la masculinité permet aussi parfois d’avoir l’intelligence de ne pas succomber : il ne voudrait pas jouer le mec hautain, mais il savait tout de même repérer les vicieuses des gentilles, et les perverses des innocentes. Sans doute sa paranoïa jouait beaucoup. Il entendit la voix de la jeune femme et sortit alors rapidement de ses pensées pour percevoir sa parole, celle-ci fit alors apparaître un sourire sur ses lèvres : elle avait une voix aussi belle que son physique. Une vraie vipère cachée sous un fourré.


Il voyait parfaitement son regard sur son poignard. Il voyait parfaitement son amusement. Mais bon dieu, si elle savait ce qu’il pouvait faire avec cette arme, elle ne rigolerait sans doute pas aussi vite. Certes, n’avoir qu’une seule arme quand on est un assassin renommé est assez paradoxal, mais il assumait parfaitement. Cette arme était tout ce qui lui restait d’Anyel, c’est pourquoi il ne le laisserait jamais tombé. Il le touchait sans doute comme un enfant touche son premier bonbon, une sucette que son père lui offrait pour la première fois mais il avait bien d’autres idées en tête. Ce poignard n’était pas du tout un cadeau enfantin, il était un souvenir. Un souvenir vivant. Il était sa main droite. Connaissez-vous les anecdotes sur les fantômes ? Ceux-ci sont reliés à des objets ou des parties de leur être restés sur Terre (une arme, leurs os …), c’est pourquoi il garde cette arme. Non pas qu’il croit particulièrement aux fantômes, loin de là, cependant c’était comme une coïncidence : quand son poignard est sous son oreiller et qu’il s’endort comme un bébé, ce qui est rare, il lui arrive de voir Anyel se profiler dans ses rêves. Comme une silhouette ou une âme en peine venant délicatement investir ses rêves. Il lui parle, le questionne, vit avec lui au travers des rêves … Malheureusement comme tout homme apparaissant dans un rêve, il disparaît aussi vite qu’il est apparu. Un rêve est éphémère, tout comme les images dans celui-ci. En entendant la question de la jeune femme, il eut alors un grand sourire et sa tête répondit négativement.


La concentration ? Il en avait croyez-moi. Il l’avait entendu des dizaines de fois cette question-là, même si elle ne lui était pas posée directement – le assassins ne se parlent que rarement entre eux- : « Comment il fait pour tuer quelqu’un avec un seul couteau ? » C’est sûr que cela portait à incompréhension. Un poignard était une arme dangereuse, il le savait parfaitement. Elle était tout aussi vicieuse qu’une femme, enfin c’était plutôt à la chance qu’on attribuait ce rôle pendant ce moment. Mais bon, il avait eut un entraînement adéquat, d’ailleurs il s’en rappelait parfaitement : enfin surtout il en gardait parfois des séquelles. Pas aussi grosse que celle sur son omoplate mais il en gardait. Il se rappelait parfaitement comment Anyel l’entraînait, parfois de force, dans une cabane au fond du jardin de celui-ci pour aller l’entraîner. Il lui suspendait au plafond une dépouille de bestiole quelconque pour pouvoir le confronter à un véritable adversaire. Pas vivant, certes, mais véritablement là. Au départ, ça l’avait répugné. Il avait même rechigné de le faire, pour finalement se retrouver enfermé pendant deux jours sans aucune attention de l’Homme qui l’avait pourtant sauvé autrefois, avec la dépouille. Plus le temps passait, plus la douleur du rejet et la faim étaient présents. Alors, il finissait toujours par succomber : il finissait toujours par laisser place à son instinct et il venait découper la dépouille par colère ou faim. Il en mangeait même quelques bouts. Finalement au bout de deux jours, Anyel revenait, allait le laver lui-même dans sa baignoire, lui donnait réellement à manger. Il avait eut cette révolution plusieurs semaines, puis finalement il avait accepté l’entraînement. Alors, oui, il savait manier le poignard.

Il n’avait pas arrêté de fixer la jeune femme, ne la quittant pas des yeux. Savez-vous que la plupart des assassins de la guilde sont des remués du bocal ? Lui, au départ il ne le savait pas. Mais quand il s’en était rendu compte, cela ne l’avait pas étonné pour un sou. Car pour être assassin il faut soit … Bah rien, être simplement remués du bocal. La plupart aimait tuer, simplement parce qu’ils sont nés dans une famille d’assassin, qu’ils ont faits cela toute leur putain de vie. Mais au final, il restait une minorité qui faisait cela simplement parce que le Destin les a mit sur ce chemin. C’était sans doute pas la bonne voie pour rejoindre un quelconque Paradis, mais c’était la seule et unique voie qu’ils connaissaient. Ezekiel voulait en savoir plus sur cette jeune femme, savoir comment elle avait été entraînée, savoir où elle était née … Tout savoir pour pouvoir mieux la cerner. Et si jamais, elle se trouvait sur son contrat, et bien il serait content de tout lui ressortir. Méchant ? Vicieux ? Non, professionnel.